Lorsque je pense aux boîtes à livres, un livre d’enfant Le Pain des Autres (Albums du Père Castor) me vient à l’esprit. L’histoire commence ainsi : autrefois dans un village, les familles s’échangeaient une fois par an les pains qu’elles avaient cuits.
« Comme cela, dans chaque maison, on mangeait un pain offert par quelqu’un d’autre. On ne savait pas toujours par qui, mais je t’assure que le pain nous semblait bien bon parce que c’était comme un cadeau de l’amitié.» J’éprouve ce même sentiment lorsque je me rends à la boîte à livres de Plumergat, nichée dans une ancienne cabine téléphonique, bien à l’abri sous le kiosque à l’ombre de l’église. Je pense aux personnes qui ont déposé des livres que j’aurai plaisir à découvrir et à celles qui liront ceux que je viens de laisser. S’agit-il de celles que je viens de croiser à la boulangerie, sur la place, à la sortie de l’école, que je salue sans vraiment les connaître ou que je côtoie régulièrement ? À travers ce partage, une communauté de lecteurs transparaît et c’est bien agréable d’en faire partie. Aller « jeter un oeil » à la boîte à livres, c’est un peu comme autrefois, ouvrir une pochette surprise. On ne sait jamais quels livres, quels trésors on va trouver. Le plaisir est d’ailleurs dans l’attente de l’inconnu.
Belles trouvailles
Parmi ces belles trouvailles, deux m’ont particulièrement marquée.
Emile ZOLA : Pour une nuit d’amour (Folio 2010). Il s’agit de deux courtes nouvelles tragiques de Zola, très éloignées du style habituel de l’auteur des Rougon-Macquart. La première donne le titre au recueil. « Pour une nuit d’amour » est une nouvelle cruelle dans laquelle Zola explore les liens entre l’amour et la mort, sur fond de sadomasochisme, entre la belle Thérèse de Marsanne et deux êtres frustres, Colombel et Julien. Ce dernier est-il prêt à tout pour une nuit d’amour ? La seconde s’intitule « L’Inondation » : Louis Robien est un fermier prospère, patriarche entouré de ses enfants et petits-enfants. Il mène une vie heureuse jusqu’au jour où la Garonne en crue inonde le village et vient bouleverser cette belle harmonie. Je ne m’attendais pas du tout à lire de telles nouvelles de la plume d’Emile Zola. J’ai eu le sentiment de me retrouver beaucoup plus dans l’univers de Gustave Flaubert ou de Guy de Maupassant. Belle découverte intéressante et inattendue.
Gaëlle NOHANT : Légende d’un dormeur éveillé ( Livre de poche 2018). De Robert Desnos, je ne connaissais que quelques poésies apprises à l’école primaire dont la plus emblématique est sans doute La fourmi : « Une fourmi parlant français, parlant latin et javanais, ça n’existe pas, ça n’existe pas et pourquoi pas ? » Aussi ai-je été très heureuse de trouver le roman de Gaëlle Nohant sur Robert Desnos. C’est une belle biographie qui fait revivre le Paris des années folles et de l’occupation allemande. Autour de Desnos gravite une série de portraits : Pablo Picasso, Jacques Prévert, Pablo Neruda, Louis Aragon, Alejo Carpentier… et son grand amour Youki. Sa joie de vivre, sa soif de liberté transparaissent tout au long de ce beau roman. Entré dans la Résistance en 1942, il sera déporté en 1944 et mourra en Juin 1945.
Dans son discours lors de la remise des cendres de Robert Desnos en Octobre1945, les paroles de Paul Eluard sont très éloquentes : « Jusqu’à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l’idée de liberté court comme un feu terrible, le mot liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos c’est la poésie du courage. »
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