Par Marie-Annette Lucas.
C'était une bicyclette rouge, neuve, étincelante, qui avait été le premier prix d'un concours de lecture de la collection « Rouge & Or » gagné par ma sœur aînée. J'en avais hérité après elle et ce « vélo rouge » m'a permis de sillonner avec bonheur et liberté tous les chemins des vacances d'été, au début debout sur les pédales quand je n'atteignais pas encore la selle... Aujourd'hui j'aime encore enfourcher de temps à autre une bicyclette pour le plaisir du silence, de la liberté, au rythme tranquille de la promenade, et hélas sans le plaisir du vent dans les cheveux puisqu'il faut porter un casque, mais rouler « à bicyclette » comme le chantait si bien Yves Montand, reste un doux souvenir de jeunesse.
Alors quand j'ai trouvé Petit éloge de la bicyclette d'Eric Fottorino, j'ai voulu y aller voir. C'est un tout autre monde que j'ai découvert, car l'auteur, journaliste et écrivain, nous parle ici de sa passion de toujours, le cyclisme, qu'il a beaucoup pratiqué depuis sa jeunesse, sa folle admiration devant les héros des courses cyclistes, tout particulièrement le Tour de France. Les photos des cracks légendaires du vélo, qui l'ont tant fait vibrer, étaient punaisées sur les murs de sa chambre. «L' année de mes onze ans, je pris la ferme décision de devenir coureur cycliste, maillot jaune et champion du monde »... Il nous raconte ses sensations, les virées à vélo avec les copains mordus comme lui, les cahiers sur lesquels il notait dans le détail performances, conseils, circuits réalisés, puis les premières compétitions régionales d'amateurs. Dans le chapitre Éloge de quelques coureurs sont évoqués tous ses héros, tels « le Cannibale Eddy Merckx et le fier Castillan Luis Ocaña » et bien d'autres encore comme Anquetil, Poulidor, Bobet, Fausto Coppi...
Éloge de l'année 1903 nous fait découvrir la création et les débuts du Tour de France, véritable épopée de 6 étapes interminables avec 60 coureurs au départ, 20 à l'arrivée. Éloge (raisonné) de la Grande Boucle évoque les temps héroïques d'avant la Première Guerre Mondiale « lorsque les coureurs (..) faisaient le coup de poing avec les supporters de leurs adversaires. On sortait les gourdins et même les revolvers. Des mains criminelles jetaient des clous sous les pneus fragiles des concurrents » !
Potions magiques
L'auteur n'élude pas la question du dopage, longtemps taboue, les potions magiques, poisons modernes, EPO et autres manipulations sanguines qui ont terni la fête, jetant le spectacle sportif dans l'ère de la suspicion.
Eric Fottorino nous fait vivre ensuite de l'intérieur la vie d'une course professionnelle de haut niveau en intégrant la course du Midi Libre (1000 km en 6 étapes) en tant que journaliste cycliste : « L'enjeu était simple : montrer que l'on pouvait rouler grand train sans dopage ; tenter de partager la condition des professionnels; témoigner de la dureté de ce métier : coureur cycliste ». Il nous restitue donc de façon très sincère ces six journées de paradis et d'enfer, sur la route du Midi Libre, sur un vélo prêté par Marc Madiot qui le lui offrira à l'arrivée.
C'est un petit livre très facile à lire, où l'auteur sait transmettre sa passion et sa fascination pour les grandes gloires passées du cyclisme, ces « forçats de la route », sans jamais tomber dans une technicité rébarbative.
Je ne verrai plus tout à fait de la même façon les retransmissions du Tour de France après cette initiation « élogieuse » de la « petite reine », et n'oublierai pas que « pédaler dans la forêt, sentir le parfum des fleurs, s'accrocher aux ronces et, pour terminer, réagir aux orties, c'est tout simplement être en vie ». C
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