Le match de la mort

 

Par André Daviaud.
 
 Pierre-Louis Basse raconte ce match dans Gagner à en mourir. Il le fait en utilisant mille détours. Après un avant-propos sur sa famille communiste et sur son amour du football, l’auteur fait patienter son lecteur à la manière du commentateur sportif qu’il a été. Il meuble l’attente jusqu’au coup d’envoi. Le récit du match ne commence qu’à la page 87 sur 123. Il faut dire que, tout près du stade, dans les fosses de Babi Yar, trente-trois mille sept cent soixante et onze juifs ont été massacrés quelques mois auparavant. Mais malgré toutes les tortures que le NKVD soviétique puis la Gestapo allemande avaient perpétrées à Kiev, la vie avait repris ses droits : « Les bourreaux avaient besoin de distraction.»
 Le foot reprend donc au mois de juin 1942. Une équipe locale se constitue avec les meilleurs joueurs du Dynamo, l’équipe vedette d’avant-guerre. Un match est organisé entre cette équipe et une équipe de l’aviation allemande : les nazis sont persuadés de l’emporter contre ces sous-hommes slaves. Mais rapporte le fils d’un joueur : « Mon père et ses copains avaient beau crever de faim, ils avaient bien l’intention de gagner ce match, sourire aux lèvres ! » Une photo existe. Les joueurs ukrainiens et allemands posent ensemble. Une seule photo. C’est un match invisible que Pierre-Louis Basse reconstitue. Les Ukrainiens l’emportent 5 à 3. Onze joueurs ukrainiens sont arrêtés par la Gestapo dans les jours qui suivent, deux sont fusillés, huit sont déportés dans un camp où trois seront exécutés.
"Franchement, ces Allemands n’étaient pas beaux joueurs " conclut l’auteur avec ironie.
L'ironie continue, ironie de l’Histoire : aujourd’hui, c’est le pouvoir russe, héritier nostalgique du pouvoir soviétique, qui traite les Ukrainiens de Nazis. Et pourtant, en 1934, Staline a condamné l’Ukraine à la famine, faisant quatorze millions de morts. Certes, il y eut des Ukrainiens qui se sont enrôlés dans les troupes nazies. Certains se sont même retrouvés à traquer les résistants en Bretagne. Mais dans quel pays occupé n’y a-t-il pas eu de « collaborateurs » ? 
L’Histoire a des retournements absurdes et, à un certain niveau, le sport est toujours politique. Les athlètes russes ont interdiction de concourir sous les couleurs de leur pays aux Jeux Olympiques de Paris. Mais ils ne risquent pas d’en mourir. Quoique, avec Vladimir Vladimirovitch Poutine… C




Commentaires