Par Marie-Annette Lucas.
Dans le monde de la pêche, le départ en mer est un moment très important pour les pêcheurs et leurs familles, que ce soit pour une journée, une semaine ou plusieurs mois. Il y a toujours une part d'inconnu, d'incertain, de danger -risque d'avarie, mauvaise météo, incident technique, collision...- et la séparation d'avec les siens, l'incertitude d'une bonne pêche, d'un bon retour, font vivre à ceux qui partent comme à ceux qui restent bien des émotions.
C'est ce que nous raconte Pierre Loti dans son célèbre roman Pêcheur d'Islande. L'histoire se passe vers la fin du 19ème siècle sur la côte nord de Bretagne du côté de Paimpol. Yann et son ami le jeune mousse Sylvestre font partie des « Islandais », ces pêcheurs qui partent au printemps dans les eaux froides d'Islande pêcher la morue et ne reviennent que fin août, repartent aussitôt dans le golfe de Gascogne et rentrent enfin « avec les premières brumes d'automne » au pays pour y passer l'hiver avec leur famille.
Revenir repartir revenir
La jeune Gaud a rencontré Yann lors d'un bal, ils se sont plus et depuis elle ne pense qu'à lui devant sa fenêtre, mais Yann ne veut se marier « qu'avec la mer », et l'évite lors de ses retours… Un autre départ se présente au milieu du roman : le jeune Sylvestre est appelé au service militaire et est envoyé en Indochine faire la guerre, laissant sa grand-mère la vieille Yvonne dans un grand désarroi… Yann revient, repart, revient… Alors que Gaud se désespère, il se décide enfin à se déclarer, le mariage est célébré une semaine avant un nouveau départ pour l'Islande, et Gaud va attendre impatiemment le retour de l'être tant aimé…
Ce roman, au style un peu vieillot aujourd'hui, n'en a pas moins le charme suranné de la Bretagne d'autrefois où religion, coutumes et traditions sont imbriquées. Les personnages sont attachants, bien décrits dans leurs émotions, et Pierre Loti excelle à décrire la pêche, les ciels d'Islande où le soleil ne se couche pas, les mers d'huile et les brumes, les tempêtes effroyables, et aussi les chemins creux, la lande rase et les chaumières de pêcheurs de l'époque, autant de tableaux dépeints avec justesse et délicatesse.
Départs sur la mer, départ à la guerre, attente et retours incertains rythment la vie, et le lecteur lui aussi part avec le fier et taiseux Yann, avec le doux Sylvestre, attend fébrilement avec la belle Gaud et la bonne vieille Yvonne...
Je vous invite à embarquer dans ce beau classique, à lire ou à relire !
Extrait
« À la fin de chaque hiver, ils recevaient avec les autres pêcheurs, dans le port de Paimpol, la bénédiction des départs. Pour ce jour de fête, un reposoir, toujours le même, était construit sur le quai.(...) La Vierge, patronne des marins y trônait, regardant avec ses yeux sans vie les heureux pour qui la saison allait être bonne – et les autres, ceux qui ne devaient pas revenir.» C
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