Nous sommes en 1955, Hong-Kong est sous administration anglaise. Kessel est ébloui par la splendeur de cette ville, au fourmillement humain permanent sur terre comme sur mer, toujours affairée, qui s'ouvre sur la baie de Canton où naviguent des milliers de jonques, sampans et bateaux de toutes sortes. Kessel sélectionne des histoires étonnantes entendues, des personnages incroyables, et des visites qui l'ont fortement marqué, comme la découverte des quartiers miséreux de fumerie d'opium ou encore le village de boue surpeuplé où les habitants vivent dans l'humidité permanente. Nous découvrons les « maisons de danse » où la danse n'est qu'un début pour les « visiteurs »... Certains titres de chapitres sont parlants : « La vendeuse d'enfants », « Le Baume du Tigre », « Les secrets de Kowloon », « Les invalides aux doigts de fée »…
« Hong-Kong
veut dire, en chinois, Havre embaumé.
Le
nom vient des temps où, vierge et quasi déserte, cette île servait
seulement d'abri à quelques huttes de pêcheurs, quelques jonques de
pirates (...) Mais dans Hong-Kong, c'est l'immense ville
jaune,suprême vestige et reflet d'un passé aboli, avec ses
habitants venus de toutes les provinces de la Chine, avec ses
quartiers éclatants et mystérieux, ses milliardaires et ses
faméliques, ses rumeurs et ses commerces étranges, qui retient et
fascine l'attention du voyageur .(...)Hong-Kong un lieu singulier et
sublime, un des monstres sacrés de l'univers. Et d'abord, par son
incroyable beauté.(...) Jour après jour j'ai nourri mon regard du
magique spectacle, et il exerçait, à chaque fois, le même
pouvoir. »
De l'autre côté du delta, se trouve Macao, portugaise depuis quatre siècles, à la réputation sulfureuse de « nid de contrebandiers, royaume de l'opium, paradis de la débauche, enfer du jeu. » Pourtant Kessel découvre « une petite ville blanche et charmante, somnolente, ordonnée et propre jusque dans les plus pauvres quartiers chinois ». Il va apprendre que la grande époque des établissements de jeux, de prostitution et d'opium est passée et ne subsiste que deux grands hôtels, où tout continue pourtant à tourner… quasiment à vide, pour ne pas perdre la « face ». Histoires surprenantes glanées en cours de séjour : « l'homme à l'oreille coupée », « la grève des artificières », « le contrebandier des chiens », « Miss Coca-cola », et c'est avec beaucoup d'humanité et de désolation qu'est évoqué « l'innombrable peuple des enfants des rues », mendiants dès le plus jeune âge...
Kessel sait à merveille nous raconter ces villes métissées où se côtoient richesse et détresse extrême, trafics multiples, prostitution, mendicité… tout en évoquant le contexte politique de la Chine communiste, qui a poussé bien des chinois à l'exil vers ces « colonies européennes ».
Beau récit de voyage authentique au charme suranné des années cinquante où le journaliste et le romancier se confondent dans un style simple et fluide pour nous inviter à voir et écouter hors des sentiers battus. J'ai bien fait d'avoir réveillé ce livre !
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