Par France Rioual
Méfions-nous des résolutions de rentrée. À trop vouloir les ériger en principes, elles pourraient vous faire vriller. Trois lectures estivales pour trois illustrations qui concernent des univers pratiqués par nous tous dans notre grande majorité : domestique, professionnel et conjugal. Trois réflexions sur le conditionnement de l’individu par la société. À vous donner des envies de Révolution.
L’espace domestique. Survivre chez soi (l’art du confinement) sort en 2021. On le doit à la conjonction de deux évènements : le passage dans le domaine public de l’oeuvre de W. H. Robinson (1872-1944) et -souvenez-vous- le confinement de mars 2020. À un moment où la population mondiale est tenue à résidence, la tentation est grande de ressortir les planches du dessinateur londonien. C’est ce qu’ont fait Jean-Luc Coudray et Isabelle Merlet en adaptant How to live in a flat de W. H. Robinson et K.R.G. Browne publié en 1936. Vouant une passion pour la construction de machines à tout faire, W.H. Robinson y imagine les intérieurs des appartements des immeubles construits dans les années 30 au moment du boum immobilier. Ils ont pour caractéristique commune leur exiguïté. De fait, le moindre espace est rentabilisé. Robinson y déploie une technologie destinée à l’usage plutôt qu’à l’ornement. Les machines reflètent un désir d’ordre et disent l’impact qu’elles sont supposées avoir sur l’individu. Reste que ces dispositifs ingénieux, dignes d’un concours Lépine, sont aussi très souvent absurdes et probablement trop compliqués à mettre en œuvre, ce qui fait de l’oeuvre de Robinson un petit traité ironique et savoureux des programmes immobiliers clefs en mains.
W.H. Robinson, Survivre chez soi (l’art du confinement), J.L. Coudray pour le texte et I. Merlet pour la couleur, Michel Lagarde, 2021, 125 p
L’espace professionnel. Le bureau, en l’occurrence. Celui organisé en open space où tout le monde surveille tout le monde. Rien n’échappe aux collègues. Vos appels, votre manque d’entrain à l’ouvrage, vos pauses, votre désordre. C’est peut-être ce qui ennuie le plus, Björn, les dossiers du collègue qui empiètent sur son espace de travail. Lui qui a la « bureaucratie dans le sang » éprouve la nécessité d’aller se ressourcer dans la pièce, celle qui se situe entre l’ascenseur et les toilettes. Là au moins tout est ordonné. Bémol : ladite pièce n’existe pas. Avec son roman intitulé précisément La pièce, le suédois Jonas Karlsson fait vaciller son lecteur au fil du récit. Tour à tour considéré comme psychorigide, inadapté, surdoué, le personnage est irrécupérable, définitivement. Et il entraîne avec lui une Administration qui, à force de ployer sous les directives, n’affiche de raison d’être que la sienne propre.
Jonas Karlsson, La pièce, Actes Sud (col. Babel), 2016, 189 p
L’espace conjugal. Ensemble depuis 15 ans, mariés depuis 13. Elle l’aime comme au premier jour. Éperdument. Lui, à son sens à elle, « est passé au stade suivant, plus sage. » Et cela lui est intolérable : « Nous étions une fusée en direction de l’espace, notre amour échappait à l’attraction terrestre. Nous ressemblons désormais à un train de marchandises, lent, lourd et monotone. » Pour ramener son mari à la passion, elle développe une série de stratégies disons-le... perverses. Reste que dans l’histoire n’est pas la plus diabolique qui l’on pourrait croire. Et le lecteur sera bien avisé de lire jusqu’à la dernière page. Mon mari de Maud Ventura décrit une vie conjugale faite de convenances, de contraintes et puis de ressentiment qui vire à l’enfermement et à la folie. C
Maud Ventura, Mon mari, L’Iconoclaste, 2021, 264p
L'Anarchie ou l'ordre sans Etat
Sincèrement, on a envie d’y croire. À un fonctionnement de la collectivité qui émane de chacun et non pas de la volonté imposée d’une personne ou d’un groupe. Une société où il est possible de tous vivre ensemble sans amasser, sans jalouser, sans opprimer. On a d’autant plus envie d’y croire que lorsque survient l’apocalypse -symbolisée ici par une invasion de zombies bouffeurs de cervelles- les défenseurs de l’Anarchie sont ceux qui s’en sortent le mieux. Mieux que le Medef dont les membres fomentent une idée -presque- nouvelle : le salariat-détention. Mieux que la Bac (Brigade anti-criminalité) dont les membres eux-mêmes reconsidèrent à la baisse l’efficacité de leurs méthodes musclées. Hors du système, de ses fluctuations et de ses crises, les habitants du squat « Collectif 25 » de Ménilmontant, les sur-nommés Kropotkine, Mange-poubelle, Eva, Deuspi et Fonsdé (bientôt rejoints par Glandouille et Pustule et leurs chiens Iench, Destroy et Proudhon), saisissent l’occasion pour hisser le drapeau noir sur Paris. Le club des punks contre l’apocalypse zombie est bien plus qu’une aventure de SF amusante. L’auteur, Karim Berrouka (par ailleurs musicien d’où les nombreuses références musicales dans le récit), convoque les figures historiques et pensantes du mouvement anarchiste. Sa bande de joyeux drilles éprouve, dans le chaos le plus total, les valeurs d’entraide et de solidarité. Les choses s’organisent avec succès. Pour autant, ben non, pas question d’ériger le mouvement en institution. C’est piquant, drôle et instructif. C
Karim Berrouka, Le club des punks contre l’apocalypse zombie,Éditions Actu SF (col. J’ai Lu), 2016, 413 p
Un mot sur "Mon mari" que je viens de lire grâce à quelques insomnies. En fait, l'auteure a repris le principe de "La Peur" de Zweig: une femme trompe son mari, croit qu'il n'est au courant de rien et se fait en fait manipuler. Je trouve que ses dissimulations sont grossières et on se doute bien que le mari n'est pas dupe. A moins d'être aveugle, il s'est vite aperçu de ses tromperies naïves. En plus, l'accumulation de détails domestiques est assez ennuyeux.
RépondreSupprimerJ'ai par ailleurs du mal à croire qu'un mari accepte ainsi les infidélités de sa femme et continue à l'aimer, ou alors c'est un pervers. Il l'est sans doute et ce genre d'homme existe peut-être, mais...très peu pour moi.
Je me suis trouvée mal a l'aise en suivant cette femme manipulatrice..mais..je me suis dis que cette situation devait plaire à son époux..couple a ne pas suivre
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