Ivan Ilitch se meurt. Tandis qu’il se remémore sa vie passée, aux douleurs physiques s’ajoutent des douleurs morales bien plus horribles.
N’allez pas imaginer quelque forfait commis par le brave homme. Non, Ivan Ilitch a toujours fait les choses comme il fallait. Et c’est bien là son drame. Fils cadet d’un fonctionnaire de Saint-Pétersbourg, il est le phénix de la famille. Vif et intelligent, il entre à l’école de droit. Réservé et même sévère, il mène carrière dans la magistrature. Et sa vie sentimentale et familiale est entreprise dans le même esprit, convenable et poli.
Câliné et consolé comme un enfant
Ivan Ilitch a toujours fait ce que la haute société tenait pour bon. Ironie de l’histoire, c’est en singeant la décoration intérieure de ladite société qu’il se blesse. Il tombe d’un escabeau et heurte l’espagnolette de la fenêtre de son salon qu’il souhaitait voir drapée. La douleur physique ressentie - et minimisée sur le moment - devient lancinante et le contraint à s’aliter. Lorsqu’il constate que ses proches, enfermés dans leurs rôles et leur mensonge, sont dans l’incapacité d’apporter le moindre réconfort au mourant qu’il devient, notre homme redouble de souffrances. Lui qui : « aurait désiré… qu’on le caressât, l’embrassât, pleurât sur lui comme on câline et console un enfant. » Agonisant, Ivan Ilitch tente alors d’échapper au mal qui le ronge en invoquant les meilleurs moments de son existence. Là, seuls les souvenirs de la prime enfance répondent franchement à l’appel. Du reste de sa vie, menée conformément à la loi, à la justice et à la bienséance, il ne lui reste aucun vrai plaisir. Plutôt le sentiment d’une absurdité : « Au fur et à mesure que pour l’opinion publique je semblais gravir la pente, la vie s’échappait de moi. » C’est sur cette terrible et tardive prise de conscience d’être mort depuis longtemps déjà que notre haut magistrat rend son dernier souffle et que s’achève la nouvelle de Tolstoï.
Le lecteur rendra grâce à Oliver Hermanus dont le film Vivre sorti en 2022 est inspiré de la nouvelle de l’auteur russe. Remake du Vivre de Akira Kurosawa, sorti en 1952, le film met en scène un Ivan Ilitch londonien en la personne de M. Williams. Fonctionnaire à la mairie, celui-ci vit une vie morne et terne jusqu’au moment où il apprend être atteint d’une maladie incurable. Une fabuleuse leçon de… vie ! C
Commentaires
Enregistrer un commentaire