La maison de Mark Twain



Par Martine Bouquin

Le voyage est long. La chaleur est là, nous avons essuyé un orage impressionnant sur la route, mais la joie d’être en famille vers cette destination choisie par tous nous donne de la voix. Comme des Indiens superstitieux, nous chantons dans l’habitacle de la voiture pour chasser les nuages qui déversent sur la route leurs grosses larmes de caprices estivaux. Une chaleur moite et pesante nous accueille lorsqu’enfin nous arrivons à destination.

Hartford, petite ville du Connecticut située à 2 heures de Boston et de New-York, est un endroit mystique pour nous tous, nous allons découvrir et visiter la maison d’un célèbre écrivain. Et quel écrivain ! C’est lui qui m’a fait découvrir les USA. Cachée dans le grenier de la maison je passai des heures à lire les aventures américaines de ce héros mythique. La transmission fut facile à passer à mes garçons, qui par la suite ont fait découvrir ces récits à leurs enfants. 

Belle demeure historique

Et nous voici, là devant l’entrée de cette maison manoir de près de 1100 m2 construite en 1874 dans le style gothique américain, toute en briques rouges et bois dans un enchevêtrement de terrasses extérieures, de patios, de balcons, d’alcôves, entourée d’une végétation de chênes et de hêtres dominant une petite vallée. C’est l’une des 10 plus belles demeures historiques du monde.

C’est là que vécu notre cher écrivain avec toute sa famille de 1874 à 1891. Marié à Olivia Langdon, ils eurent quatre enfants dont trois filles, Susan, Clara, Jeanne et un fils mort prématurément.

C’est dans ce living room ou bibliothèque que se réunissait toute la famille pour échanger et écouter les textes de ses livres, de ses romans, de ses reportages ou de ses séries de lettres écrites et publiées pour le journal  Sacremento Union. C’est là au dernier étage que se trouve la pièce préférée de l’auteur. Cette salle de billard qu’il utilisa comme bureau de fortune.

Et c’est dans cette chambre-appartement du troisième étage juste à côté de la sienne que vivait son majordome, Georges Griffing, cet ancien esclave affranchi, laveur de vitres embauché par notre écrivain qui vécut 17 ans à son service.

Sur le Mississippi

Tout dans cette immense maison respire l’esprit de cet écrivain essayiste, humoriste, romancier, misanthrope. À la mort de son père, il a 12 ans et devient ouvrier typographe, puis pilote de bateau à aube sur le Mississippi, soldat éphémère parmi les confédérés, il déserte, chercheur d’or dans les mines du Névada, inventeur de bretelles et de chemise sans bouton, imprimeur, journaliste. Il voyage en Europe, en Polynésie. 

Et nous, nous foulons ses tapis, nous nous imprégnons des odeurs tenaces de la cuisine où Olivia, sa femme, préparait des cookies pour les invités. Nous montons des escaliers en colimaçon, droits ou pentus. Nous nous étonnons de savoir qu’il y avait un système de chauffage thermique, une installation téléphonique, l’eau courante ! en 1874 ! Pensez donc ? Non, ce n’est pas un rêve nous sommes bien dans la demeure de : Welcome to mister : Samuel Langhorne Clémens !

Pourquoi ce pseudonyme ?

Mais si voyons ! Si je vous dis : Tom Sawyer ? Cela vous dit certainement quelque chose. Nous sommes chez notre écrivain d’enfance : Mark Twain.

Mais au fait pourquoi ce pseudonyme ? Samuel Clémens a traversé les États-Unis de long en large. Se tournant vers le Sud, il embarque sur le Mississippi en direction de la Nouvelle-Orléans avec l’intention de gagner l’Amazonie. Au cours du voyage, le pilote du bateau à vapeur le persuade d’épouser la carrière de pilote. C’est à cette époque qu’il choisit son nom d’auteur : alors qu’il tire la corde de sondage pour vérifier la profondeur du fleuve, son capitaine lui criait : « Mark Twain, Mark Twain ! » ce qui veut dire « Marque    deux    (brasses) »  profondeur suffisante en jargon anglais pour pouvoir naviguer. Mark Twain est né.

C’est donc dans cette salle de billard où nous sommes, qu’il écrivit en 1876 son fameux roman : Tom Sawyer*. Dans l’esprit de l’auteur c’était un roman destiné aux adultes plus qu’aux enfants ! Tom, orphelin, espiègle, facétieux et peu studieux, casse-cou, est un enfant au grand cœur. Recueilli par sa tante Polly, il partage ses aventures avec ses amis Huckleberry Finn, enfant vagabond qui vit dehors ou dans un tonneau lorsqu’il pleut, Hug et Jo ses copains complices de farces les plus fabuleuses, de Beky pour qui son petit cœur chavire, et sa cousine Mary. Tom Sawyer représente aux yeux de Mark Twain le symbole de la liberté après la fin de la guerre de Sécession. Décrivant avec réalisme et sévérité la société américaine, Mark Twain est l’un des premiers auteurs à utiliser la langue parlée authentique des États du Sud et de l’Ouest.

Fin de vie assombrie

Les dernières années de sa vie sont marquées par une reconnaissance mondiale. Il est l’un des grands auteurs de son époque. Cependant, la fin de sa vie est assombrie par des ennuis financiers, ainsi que par la mort de sa fille Susan à 24 ans, causée par une méningite, puis par celle de sa femme Olivia. Il perd sa seconde fille Jane âgée de 29 ans noyée dans sa baignoire à la suite d’une crise d’épilepsie. Observateur des peuples Mark Twain écrivain caméléon meurt d’une crise cardiaque le 21 avril 1910 à Redding dans le Connecticut, au lendemain du passage de la comète Halley. Il avait déclaré en 1909 : « Je vins au monde avec la comète Halley en 1835. Elle reviendra l’année prochaine, et je m’attends à partir avec elle. Le Tout Puissant a dit « Voyez donc ces deux monstres inexplicables ; ils sont venus ensemble, ils doivent repartir ensemble. » C

* Mark Twain, Les aventures de Tom Sawyer, illustration et graphisme de Patrice Douenat, bibliothèque rouge et or (pour les plus jeunes), 186 pages


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