Tous pour un et chacun pour soi !



Par André Daviaud

Un pour tous, tous pour un : c’est la devise des Trois Mousquetaires, qui en fait étaient quatre : Athos, Porthos, Aramis et… d’Artagnan…

Leur histoire commence par un duel ; d’Artagnan se bat contre les trois autres, puis, à l’arrivée des gardes du Cardinal, les quatre s’unissent pour les combattre. Comme aurait dit Brassens : « Quand il s’agit d’rosser les cognes, tout le monde se réconcilie… » Ces quatre-là seront désormais amis à la vie, à la mort. Une amitié comme on n’en fait plus que dans les livres. C’est joyeux, c’est trépidant, c’est débordant de capes, d’épées, de rires, de plaisanteries, d’auberges où coule le vin, où s’étalent pâtés en croûte, chapons et jambons… 

Les Trois Mousquetaires, c’est aussi notre jeunesse ; et qui n’a pas rêvé d’être l’un des quatre, poursuivant à cheval le fourbe comte de Rochefort, ou croisant le fer durant le siège de La Rochelle ? Enfant, j’ai brandi des épées de bois et porté des capes de chiffon. Chevauchant des troncs en guise de monture, j’ai galopé jusqu’en Angleterre pour ramener les ferrets de la reine, botte à botte avec mes amis imaginaires.

Dumas capte la gloire

Pourtant, on cite toujours faussement la devise en l’inversant : les mousquetaires ont dit : Tous pour un, un pour tous. Et l’idée de départ semble être d’Auguste Maquet, le collaborateur de Dumas, un ami avec lequel il se fâche car Maquet lui reproche de ne pas reconnaître et rétribuer son travail. Dumas capte toute la gloire alors que Maquet reste dans l’ombre. 

Par ailleurs, le roman est paru en feuilleton en 1844, dans Le Siècle, un journal de l’époque. Dumas voulait l’appeler Athos, Porthos et Aramis, mais le directeur du journal proposa Les Trois Mousquetaires. L’auteur trouva ce titre absurde puisqu’ils sont quatre mais pensa avec malice qu’il contribuerait au succès du roman. 

Le pays le plus solidaire, le plus audacieux et le plus courageux du monde, la Suisse, a fait de la fameuse phrase sa devise, sans compter que ses coffres renferment des milliards de double sens du mot! Et, de nos jours, une enseigne de la grande distribution s’est emparée du titre des héros de Dumas, pour se battre contre… les prix ! Grandeur et décadence de nos rêves quand ils sont détournés par la publicité :

" On nous inflige 

Des désirs qui nous affligent 

On nous prend faut pas déconner dès qu'on est né 

Pour des cons alors qu'on est 

Foules sentimentales 

Avec soif d'idéal 

Attirées par les étoiles et les voiles 

Que des choses pas commerciales 

Foule sentimentale 

Il faut voir comme on nous parle… "

chante Souchon.

Et moi, mon désir, mon rêve, c’est de chevaucher toujours aux côtés d’Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan en clamant : Tous pour un, un pour tous.

Théâtre Cette amitié trahie entre Dumas et Maquet a fait l’objet d’une pièce de théâtre assez passionnante : Signé Dumas. C’est Dumas qui signe, quand c’est Maquet qui trime. J’ai vu cette pièce au festival d’Avignon. Dumas y est représenté en ogre sympathique voulant faire comprendre au petit poucet Maquet combien il est préférable pour lui de rester dans l’ombre. L’amitié, Dumas la réserve donc plutôt à ses mousquetaires.

Cinéma Il existe aussi un film de 2010 intitulé : L’autre Dumas. Le réalisateur, Saffy Nebbou, y évoque la rivalité entre les deux auteurs joués par Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde. L’amitié se transforme en lutte de préséance. Des critiques ont reproché au réalisateur son incarnation de Dumas "Le rôle de l'écrivain panthéonisé et homme de couleur peut-il être tenu par le blond Depardieu ?" Chacun jugera. C

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