L'indicible écrit par Stephan Zweig


Par Marie-Annette Lucas

Il existe toutes sortes de peurs, liées à nos émotions, à nos sensations, à notre entourage familial, à notre histoire personnelle. Il n'est pas facile d'en parler parce que la peur est intimement liée à notre moi profond.

L'écrivain Stefan Zweig, s'est penché sur les tréfonds de l'âme humaine et en excelle à analyser les sentiments. Dans la nouvelle intitulée  La peur, il va décrire jusqu'où une peur indicible peut conduire…

Irène, jeune femme bourgeoise d'une trentaine d'années, un bon mari avocat réputé, 2 enfants, s'ennuie dans la douceur ouatée de son existence et cède aux avances d'un jeune homme rencontré lors d'une soirée. Elle le voit chaque semaine de façon discrète, et déjà la peur que cette aventure soit dévoilée la tenaille et l'angoisse, « cette mystérieuse terreur à laquelle se mêlaient confusément l'horreur de sa faute et la crainte folle que chaque passant inconnu pût lire sur son visage d'où elle venait. » 

Elle n’ose plus sortir de chez elle

Mais un jour, une femme la reconnaît et met en place un chantage en lui demandant de plus en plus d'argent… Le piège se referme sur Irène qui se rend compte trop tard de tout ce qu'elle risque de perdre et est absolument incapable d'en parler à son époux. « La catastrophe, elle le sentait à présent avec une netteté effroyable, était inévitable, la délivrance impossible.(...) Les images se perdaient dans les ténèbres d'une peur confuse et cruelle, elle se heurtait à l'impensable et ses conjectures dégringolaient dans un gouffre vertigineux » Elle n'ose plus sortir de chez elle. «  La rue, le monde extérieur, qui étaient sa vraie vie, lui étaient interdits car, tel l'ange à l'épée de feu, la maître chanteuse y veillait, menaçante » Elle fait des cauchemars, son mari la questionne et elle y sent une menace...

Puis elle ne supporte plus de rester chez elle, elle devient folle de terreur, « chaque bruit, chaque pas derrière elle, chaque ombre qui passait mettait ses nerfs au supplice. » L'emprise de la peur se fait de plus en plus forte, d'autant qu'elle doit payer de plus en plus, que des lettres anonymes arrivent... «Traquée par cette peur diabolique, elle ne pouvait plus ni lire ni rien faire. Elle se sentait malade. (...) Toute son existence était minée par cette peur dévorante, son corps empoisonné. » Le suspens monte en un crescendo terrible pour Irène… que va-t-elle décider ? Je n'en dirai pas plus et la fin de l'histoire surprendra le lecteur.

Stefan Zweig a dans cette nouvelle décortiqué tous les ressorts psychologiques induits par la peur en décrivant finement toutes les pensées et les actions, toutes les hésitations, réflexions et sentiments éprouvés par le personnage principal, sans jugement. C


Stefan Zweig  (1881-1942) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien. Ses œuvres les plus connues sont  Amok (1922), La confusion des sentiments (1927), Vingt-quatre heures de la vie d'une femme (1927), Le joueur d'échecs (1943 posthume), Le monde d'hier (1943, autobiographie posthume

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